THÉODORE STOUDITE

THÉODORE STOUDITE
THÉODORE STOUDITE

THÉODORE STOUDITE saint (759-826)

Moine et écrivain byzantin, né à Constantinople, au cours de la querelle de l’iconoclasme, dans une caste de fonctionnaires des finances fort attachée aux traditions. Son œuvre témoigne d’une culture générale remarquable pour cette époque d’ordinaire taxée d’obscurantisme: Théodore connaît la grammaire et la poétique, mais aussi la logique aristotélicienne et la théologie. Très jeune, il subit l’ascendant d’un oncle maternel, Platon, ancien trésorier-payeur impérial, retiré au monastère de Saccoudion dans l’Olympe de Bithynie, une propriété familiale. En 781, il l’y rejoint avec son père et ses deux frères — le futur archevêque de Thessalonique, Joseph, et Euthyme —, cependant que sa mère et une de ses sœurs prennent le voile dans la capitale. En 787, il est ordonné prêtre par le patriarche Taraise et, bientôt après, succède à Platon dans la charge d’higoumène, qu’il partageait avec lui depuis quelque temps.

L’attitude libérale, concertée entre le Palais et Taraise, à l’égard des évêques iconoclastes résipiscents (concile de Nicée, 787), avait déçu l’oncle autant que le neveu, l’un et l’autre enclins à dénoncer dans ces prélats des simoniaques. L’affaire «moechienne» (moechari , forniquer), ou affaire «de l’adultère», les confirma dans leur intransigeance. L’empereur Constantin VI ayant répudié sa femme pour épouser une de ses dames d’honneur, au surplus cousine de Théodore, le patriarche avait laissé l’higoumène Joseph bénir cette union (795). Platon et les siens rompirent la communion avec Taraise. Pour le punir, on enferma Théodore ainsi que son oncle dans un fort de Bithynie (796), puis on l’exila à Thessalonique avec son frère Joseph (797). Là-dessus Irène se débarrassa de son fils et rival Constantin VI (15 août 797). Théodore rentra au Saccoudion en triomphateur, et Taraise déposa le prêtre marieur. Bien mieux, en 799, l’impératrice transférait la communauté du Saccoudion à Constantinople, dans l’illustre couvent, pour lors très déchu, de Saint-Jean-le-Prodrome ou de Stoudios, auquel Théodore devra son nom.

Grâce au génie de l’organisation et à la ferveur du Stoudite, de cette ruine surgit le centre monastique le plus discipliné de la capitale. Le plus puissant aussi: avec ses quelque sept cents moines, il constituera durant des générations le dernier bastion de l’honneur de Dieu face à toutes les collusions, réelles ou supposées, de l’Église avec les intérêts de l’État. On le vit bientôt.

Les Stoudites avaient boudé l’élection du patriarche Nicéphore (806), naguère encore fonctionnaire civil. On les ménagea. Ils se révoltèrent lorsque le patriarche et l’empereur son homonyme restaurèrent dans ses droits le prêtre Joseph. L’empereur Nicéphore Ier fit arrêter Platon, Joseph et Théodore; et par le truchement d’un synode, il condamna leur insoumission (809). Théodore, de sa prison, redoubla de vigueur contre «l’hérésie moechienne», ameutant jusqu’au pape Léon III par ses lettres et par ses agents romains. Le 2 octobre 811, l’avènement du «pieux ami des moines» Michel Ier Rhangabé renverse la situation aux dépens du prêtre Joseph. Théodore est plus sûr de lui que jamais. Il prône, dans les conseils impériaux, une politique inspirée de l’Évangile. Il dénie à l’État tout droit de répression contre la personne physique des hérétiques; mais aussi, entre l’extradition de Bulgares réfugiés à Constantinople et l’ouverture d’hostilités avec la redoutable Bulgarie, il choisit la guerre.

Le jour de Noël 820, Léon V fut assassiné. Son successeur, Michel II, ouvrit les prisons et leva les sentences d’exil, mais refusa de modifier la législation sur le culte des images. Dans ces conditions, il n’y avait pas lieu de s’installer au Stoudios. Théodore reconstitua patiemment sa communauté de l’autre côté de la Marmara, tantôt ici, tantôt là. Son dernier asile fut l’île de Prinkipô, où il mourut et fut enterré le 11 novembre 826. Platon était mort en 814; Joseph de Thessalonique survécut jusqu’en 832. Les restes de Théodore furent ramenés triomphalement au Stoudios le 26 janvier 844, au lendemain de la victoire des images, malgré les manœuvres auxquelles les Stoudites, fidèles à leur père, se livraient contre le patriarche Méthode jugé trop faible envers l’épiscopat conformiste du second iconoclasme.

Ce qui s’est conservé de l’œuvre de Théodore donne une idée de sa fécondité littéraire. Le champion des icônes a exposé sa doctrine dans des ouvrages étendus tels que ses trois Antirrhétiques (discours contre les hérétiques) ou ses contre-poèmes écrits à l’intention des versificateurs iconoclastes. Dans sa Grande Catéchèse et sa Petite Catéchèse , il s’adresse familièrement au jour le jour à ses sujets; et ses Épigrammes évoquent avec réalisme la division du travail au Stoudios. Sa correspondance, qui compte près de six cents lettres, est un véritable journal de ses luttes et met en scène un défilé d’interlocuteurs illustres, papes, empereurs et patriarches, ou humbles moines et laïcs. Les opuscules où il a dispersé ses idées sur le monachisme ont abouti à une sorte de Règle à laquelle on s’est référé et que l’on a pillée pendant des siècles. Enfin, sous son impulsion, le Stoudios a amorcé une refonte des recueils liturgiques.

Gêneur si l’on veut, Théodore fut un homme de tradition. Le contrepoids qu’il a imaginé d’apporter à un certain hésychasme menacé d’anarchie ne compromet en rien la haute idée du monachisme qu’on a pu hériter des Pères. Son appel à l’arbitrage papal, à l’inerrance séculaire de Rome vont de pair avec son adhésion à l’idée «pentarchique» (consensus des cinq patriarcats), désormais consacrée dans son Église. Ses incartades politiques elles-mêmes pouvaient se réclamer de précédents honorables. En tout état de cause, ce gêneur impénitent fut toujours un homme de foi, un ascète probe; et son œuvre intime — Catéchèses et Lettres — reflète un fond de tendresse inattendu envers les faibles et les malheureux, fussent-ils des faillis de la foi.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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